Saviez-vous qu’à Lougres, il existait jadis une fontaine aux vertus thérapeutiques, qui aurait produit la guérison d’un nombre considérable de maladies diverses et stupéfiantes ?

C’est en 1601 que Jean Bauhin, médecin du très illustre Prince Frédéric de Montbéliard (intrigué par les rumeurs concernant cette source appelée la saine ou salubre fontaine) fut chargé par ce dernier de mener une enquête et dévoiler les mérites incomparables de cette source.

Dans un opuscule imprimé à cette date par Jacques Follet, consacré sous un titre très long à la sainte fontaine et dont le seul exemplaire est actuellement à la bibliothèque de Montbéliard, Jean Bauhin décrit la saine fontaine en ces quelques termes.

« Cette fontaine … ne se trouble jamais par les eaux de pluies. La source ne se tarit jamais même que  l’on ne l’a pas aperçu qu’elle croisse ou décroisse pour quelque accident qui survienne. L’eau en est fort claire et il n’y a en elle ni saveur ni odeur qui la rende malaisée à boire. Elle n’est pas trop froide et ne fait aucun mal je crois à la boire à jeun. La fontaine donne de l’eau en abondance … On y a dressé hostellerie et y a commodité pour se baigner en l’eau chauffée ou toute fraiche … Il y a des villages à l’environ comme Longevelle, Colombier Savoureux, Bavans et Lougres auxquels y a hôtes tenant logis… on apporte tout près de la fontaine des vivres … Il y a longtemps que ceux du village de Lougres … avaient en estime l’eau … et envoyaient en chercher lorsqu’ils se trouvaient mal. Toutefois on n’avait point pris garde aux effets médicimaux, sinon depuis quelques mois. C’est merveille comme en si peu de temps la dite fontaine a acquis un tel renom … On en apporte en barils, en bouteilles … même certains en amènent des chars et charrettes chargés en tonneaux et la plupart des malades s’en trouvent bien … ».

La plupart des « curistes » habitaient la contrée mais d’autres sont venus de très loin, non seulement de toutes les provinces de France mais aussi de Suisse, d’Allemagne, de Hongrie et de Russie tant est grande la réputation de le fontaine.

Un poète français, François de Lancluse un huguenot de l’époque, … en composa … la description poétique de plus de deux cents vers….

« Je chante les  vertus d’une source nouvelle,

Dont l’effet merveilleux remplit tout de merveille ;

Dont l’eau chassant du corps cent et cent maux divers

Oste aux plus saines eaux les lauriers toujours verts.

Eau qui, sous Montbéliard, au Doubs, qui l’a voisine,

De son cristal glissant perd l’onde médecine. »

De leur côté, les manuels géographiques de naguère en firent l’apologie comme étant l’une des merveilles de la nature en Franche Comté.

En effet, parmi l’ahurissante et incroyable diversité des maladies dites guéries par l’usage de l’eau de la fontaine, on a l’embarras du choix …fièvres, douleurs, migraines, verrues, plaies, piqûres d’épines, ruptures, enflures, teigne, apostumes, rhumatismes, ulcères, varices, sciatiques, surdité, imbécilité, paralysie … voire même enfants auxquels les dents ne venaient point …

L’un des plus extraordinaires cas de guérison … est sans doute celui d’Anne de Guillaume de Senargent en Bourgogne. « Agée d’environ 23 ans, ayant été malade il y a passé cinq ans devint débile ou impotente des bras et des jambes … portée en une civière de laquelle elle ne pouvait même plus sortir …  Elle s’était accoutumée de cheminer sur ses genoux … le sieur Bailly la fit mener sur un chariot à la saine fontaine … deux fois le jour, huit jours durant … Elle a bu l’eau à jeun et a baigné ses jambes avec la dite eau toute fraiche et quelque fois chauffée trois quatre ou cinq fois le jour. Depuis elle s’est soutenue sur ses pieds et a eu moyen de marcher avec deux crosses … mais depuis elle a quitté les dites crosses, va et vient à Héricourt, porte et reporte des linges à la fontaine …

Hélas peu à peu, après avoir joui d’un grand renom pendant tout le 16^ème, le 17^ème et jusqu’au début du 18^ème siècle, la fontaine tomba dans l’oubli… Que s’est-il passé ? Nul ne le sait. De nombreux savants se sont penchés sur le problème … mais rien de leurs travaux n’ont permis à ce jour d’expliquer le phénomène de guérisons aussi rapides et si spectaculaires de ces maladies.